Le presbytère de Vue
Avant la Révolution, c'est le presbytère qui occupait le n°2 rue de la tannerie. De nombreux prêtres s'y sont succédé depuis le XIIIe siècle ! L'abbé BEUGEARD occupe la fonction en 1787, à l'aide de son vicaire Julien CHEVALIER. Il entreprend de nombreux travaux de rénovation : installation d'un escalier central unique (en remplacement de 2 autres, peu commodes situés aux extrémités du batiment), réfection des planchers, amélioration de la chambre du vicaire, etc... Pour raison de santé, l'abbé BEUGEARD quitte la cure de Vue pour celle de St Léger les Vignes, laissant la place à Guillaume LEMAULF, originaire de la presqu'île guérandaise. En 1791, comme la majorité des prêtres du pays de Retz (mais à l'exception des moines de l'abbaye de Buzay), ce dernier refuse de prêter serment à la Constitution Civile du clergé et retarde son départ autant que possible pour gêner l'installation de Dominique HANNEL, prêtre constitutionnel, ancien moine de Buzay.
La vente des biens nationaux.
Comme dans toute la France, les biens nobiliaires et ecclésiastiques sont confisqués par l'Etat pour être revendus au titre des biens nationaux. Le presbytère de Vue n'échappe pas à la règle !
Cependant, la période révolutionnaire a été violente dans la région et l'état du presbytère est lamentable : le presbytère comprend un jardin, une aire et une ménagerie, le tout enclos de murailles, lesquels objets sont presque en ruines, une partie du logement étant démoli, les combles, les cloisons, les croisées, portes, fenêtres brulés par la Troupe. Le plancher de la cuisine et de la chambre à côté brûlés sur place. Les arbres et espaliers du jardin coupés et brûlés, dans le plus mauvais état possible. Au pressoir, il ne reste que deux poutres, sans charpente ni vis.(état des lieux établi le 2 pluviose an III par Jacques MOREAU, maire de Vue).
Plusieurs acquéreurs se partagent la propriété : Dominique HANNEL achète les jardins, Charles AUBINAIS, le presbytère, CHAUVET différentes terres appartenant à la cure et les familles POTONNIER et MENEAU les métairies qui lui étaient rattachées. Par la suite, Charles AUBINAIS rachète les jardins à HANNEL le 30 janvier 1795 puis revend le tout (jardin et presbytère) à la famille POTONNIER le 13 septembre 1804, moyennant une hypothèque.
La poutre noircie, au dessus de la porte, retrouvée sous les plâtres, lors des travaux de 2016, est sans doute l'un des derniers témoins de la folie incendiaire des troupes républicai-nes de Beysser en 1793.
La maison du médecin.
La famille POTONNIER s'installe alors durablement à Vue et exerce de père en fils la profession de médecin. Elle s'enrichit progressivement, moyennant de nombreux investissements fonciers, souvent réalisés au moyen d'hypothèques. Durant le XIXe siècle, la famille rivalise avec la famille AUBINAIS. Si au début du XIXe sièle, les premiers habitants vivent encore dans une ferme, avec de nombreux animaux, au cours de l'avancement du siècle, ils « s'embourgeoisent », abandonnant les activités agricoles.
En 1911, l'héritière de la dynastie POTONNIER, Emilie Gabrielle Marie, née le 1er janvier 1889 à Vue épouse le médecin Joël AUDOUY, originaire de Frossay. Le couple, qui a trois enfants, perpétue encore quelques temps la tradition familiale. A la fin des années 1930, le docteur AUDOUY part s'installer à Redon où il décède en 1952. Sa veuve, installée dans l'une des dépendances de la maison, loue la maison au nouveau médecin. D'abord le docteur TESSON, pour un très court temps, puis le docteur Jean BARET. En 1963, après le décès de leurs parents, les enfants AUDOUY décident de vendre la propriété à la famille BARET. Ils gardent alors la grange et de nombreux terrains.
Le couloir du rez-de-chaussée conduisant à l'ancienne salle d'attente du docteur BARET.
Le docteur BARET entreprend de nombreux travaux dans l'ensemble de la maison et du jardin, abattant des dépendances devenues inutiles et vieillissantes. Il dédie notamment la partie la plus proche de la rue à son activité médicale, y installant notamment un matériel de radiologie. Il exerce jusque dans les années 1980 puis prend sa retraite. La propriété n'est plus utilisée comme cabinet médical.
Le docteur BARET a marqué les esprits des habitants de Vue car il avait une forte personnalité. Il n'en avait pas moins une âme artistique puisqu'il a écrit trois ouvrages : La grande Marie ou la fille du sonneur en 1947, suivi de Cul Sec en 1950, suivi peu après des Réfugiés de Chateauneuf. Il a aussi été premier adjoint au maire de Vue à deux reprises. Il décède le 9 octobre 2001, à l'âge de 90 ans.
La maison reste ensuite occupée par sa femme, puis elle est mise en vente par la famille BARET. Elle est vendue début 2016. De nombreux travaux sont alors entrepris et un gîte touristique ouvre dans l'ancien cabinet médical en 2017.
Sources :
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Archives départementales de Loire Atlantique : recensement, répertoire des biens nationaux, plans du cadastre, état civil.
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Fonds FREOR et HERY de la maison de l'histoire de la Bernerie en Retz.
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Extraits de la thèse de Jacques LEONARD, les médecins de l'ouest au XIXe siècle (1976), Paris IV
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Bruno KOPER : croquis, copie des actes de vente des biens nationaux, actes notariés de 1911, recueil de poèmes, témoignage oral.
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Crédit photos : A-M CORMIER